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04/09/2011

(Mini-série UK) The Field of Blood : une sordide affaire dans le Glasgow des années 80

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Cette semaine, j'ai regagné la maison familiale pour quelques jours avec un thème central : l'Ecosse. Ma soeur décollait pour Edimbourg hier. Par conséquent, en plus de m'être amusée à défier les lois de la physique en l'aidant à remplir stratégiquement sa valise, j'ai apporté ma contribution dans un domaine que je maîtrise, à savoir une présentation de l'Ecosse... à travers les séries. Parmi les plus récentes, j'ai donc ressorti Case Histories de mes cartons (ça se passe à Edimbourg, ça tombe bien), et puis nous sommes aussi allées à Glasgow pour Lip Service.

Pour couronner le tout, BBC1 a parfaitement joué le jeu puisqu'elle a proposé lundi dernier la première partie (la suite est programmée demain) d'une mini-série déjà diffusée sur BBC Scotland en mai dernier : The Field of Blood. Cette mini-série, comportant deux épisodes d'environ 55 minutes chacun, est une adaptation d'un roman de l'écrivaine écossaise, Denise Mina. The Field of Blood (Le champ du sang en VF) est ainsi la première aventure mettant en scène le personnage de Paddy (Patricia) Meehan, une aspirante journaliste.

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The Field of Flood débute à Glasgow en 1982. Paddy Meehan est une jeune femme, passionnée et ambitieuse, qui rêve de devenir journaliste. Pour le moment, elle n'est cependant qu'une simple "copy boy" (employé à tout faire) dans un quotidien local, le Daily News. Sa mère, tout particulièrement, voit d'un mauvais oeil les aspirations professionnelles de Paddy, tandis que son fiancé, amour d'enfance, rêve plutôt d'une épouse traditionnelle. Si Paddy s'efforce de concilier ces deux pans de sa vie, sa famille va devoir affronter une période très difficile.

La disparition d'un garçon de deux ans, Brian Wilcox, met la population en émoi. Mais quelques jours plus tard, son cadavre est retrouvé dans le canal. La police s'oriente rapidement vers un suspect d'une dizaine d'années, identifié par un témoin. Alors que Paddy participe, à force de persuasion, à sa première recherche de scoop pour le journal, elle déchante vite en découvrant la photographie de l'enfant arrêté : il s'agit de son jeune cousin. Persuadée qu'il n'a pu commettre un tel acte, voyant que la police ne semble guère prête à douter du scénario qu'elle a établi, elle décide alors d'enquêter de son côté, troublée par les étranges parallèles avec une précédente affaire aussi tragique.

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Polar sombre, démarrant sur le crime particulièrement sordide du meurtre d'un enfant et marqué par quelques scènes assez violentes, The Field of Blood n'est cependant pas une fiction d'enquête policière classique. En effet, ce ne sont pas des policiers qu'elle met en scène : elle va nous faire suivre l'investigation menée par une apprentie journaliste. Elle profite d'ailleurs opportunément de l'occasion pour nous glisser dans les coulisses abrasives et machistes du quotidien local, le Daily News. La limite de ce choix est sans doute de cantonner l'enquête officielle de la police à une simple toile de fond presque en arrière-plan, en passant parfois très vite sur certains détails et avancées, nous informant par des ouïe-dire et autres échanges entre les journalistes. C'est un peu lointain, mais l'ensemble n'en demeure pas moins efficace et prenant. Car pour maintenir une tension et un rythme sans temps mort tout au long de ces deux heures, la mini-série va mettre à profit l'empathie suscitée par la jeune héroïne, dont les dilemmes et l'obstination inébranlable sauront impliquer le téléspectateur ; puisque la mise en accusation de son cousin fait prendre une tournure beaucoup plus personnelle à l'affaire.

L'intrigue va suivre un développement linéaire qui a les qualités, mais aussi les limites, de ce style d'écriture académique. L'enquête est à la fois très bien huilée - on se laisse entraîner dans la tension et la noirceur ambiantes - mais aussi très prévisible, de telle façon que les recoupements et les soupçons se font naturellement, le téléspectateur prenant à l'occasion de l'avance sur les protagonistes de l'histoire. Cependant The Field of Blood est une de ces fictions qui retiennent l'attention, non seulement par le savoir-faire calibré des scénaristes, mais aussi - et peut-être surtout - par ce grisant parfum de polar un peu daté, qui est relaté du point de vue d'une héroïne qui tranche singulièrement dans le milieu journalistique cynique et désabusé où elle évolue. Ce sont d'ailleurs les rapports de Paddy avec ses différents collègues du Daily News qui vont insuffler une dimension supplémentaire à la mini-série : qu'il s'agisse de scènes de confrontation ou de passages où certains se comportent plutôt en mentor, ils humanisent considérablement et de manière très appréciable le récit (et certains sont vraiment bien écrits). C'est ainsi que The Field of Blood s'assure la fidélité du téléspectateur peut-être d'avantage par son ambiance que par l'intrigue en elle-même.

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Sur la forme, The Field of Blood dispose d'une réalisation appliquée qui va renforcer l'atmosphère de polar noir. On retrouve dans la photographie, plutôt sombre, comme une teinte d'époque, la caméra cherchant à nous faire remonter le temps en capturant ce parfum du Glasgow du début des années 80. La mini-série y parvient d'autant mieux qu'elle est soutenue par une bande-son très dynamique, rythmée par des morceaux de musique de cette période ; le casque du walkman de Paddy offrant un prétexte parfait pour insérer ces parenthèses musicales.

Enfin, The Field of Blood bénéficie d'un casting pour lequel on se prend rapidement d'affection. L'héroïne est incarnée avec beaucoup de naturel et de spontanéité par une actrice que je ne connaissais pas, Jayd Johnson (River City). Elle est bien épaulée par des seconds rôles très solides, parmi lesquels les plus notables sont Peter Capaldi (The Thick of It), journaliste désillusionné en fin de vie, qui délivrera notamment une scène d'une intensité bouleversante (cf. l'extrait vidéo ci-dessous), et David Morrissey (State of Play, Blackpool, Meadowlands), en patron caractériel plus compréhensif qu'il n'y paraît. On retrouve également à l'affiche Ford Kiernan ou encore Alana Hood.

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Bilan : Polar sombre et efficace, dans lequel le parfum des 80s' reste une garantie de dépaysement appréciable, The Field of Blood doit beaucoup au fait d'avoir choisi, pour bâtir son intrigue, de se placer du point de vue d'une jeune aspirante journaliste. En effet, le dynamisme de Paddy offre un contraste saisissant avec l'atmosphère plus pesante et tellement désabusée du milieu dans lequel elle évolue. Jouant ainsi sur le côté rafraîchissant et donc attachant de la jeune femme afin d'impliquer émotionnellement le téléspectateur, la mini-série saura développer une histoire globalement captivante en dépit des facilités auxquelles le scénario finira par céder ; la durée brève (2 heures) expliquant sans doute certains des raccourcis empruntés. A voir (c'est court) !


NOTE : 7,25/10


Un extrait marquant (Peter Capaldi, "And Death Shall Have no Dominion") :

10/03/2011

(Mini-série UK) South Riding : chronique vivante et touchante d'une bourgade des années 30

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En ce début d'année 2011, les amoureux du petit écran britannique peuvent tout particulièrement savourer leur passion. Les mini-séries intéressantes, couvrant tous les goûts et tous les genres, se succèdent. Parmi elles, South Riding s'inscrit dans la tradition la plus classique du period drama que l'on croise outre-Manche : l'adaptation littéraire. Nous plongeant dans la campagne anglaise du milieu des années 30, il s'agit de la seconde transposition à l'écran du roman de Winifred Holtby, publié en 1936, après une première proposée par ITV en 1974.

Cette mini-série, composée de 3 épisodes d'1 heure chacun, a été diffusée trois dimanche soir successifs du 20 février dernier au 6 mars 2011, sur BBC1. On y retrouve tout le savoir-faire britannique en la matière, porté par un excellent casting, pour une photographie prenante de l'Angleterre changeante des années 30, loin de la capitale londonienne. Trois heures plaisantes à suivre qui méritent le détour.

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South Riding s'ouvre en 1934 dans une petite ville côtière éponyme du Yorkshire, située dans le nord de l'Angleterre. Sarah Burton rentre dans sa bourgade natale après des années à avoir mené une carrière d'enseignante tout en voyant le monde. Elle arrive de Londres pour postuler à la fonction de directrice de l'école municipale de filles, avec des idées de modernisation plein la tête et de hautes ambitions éducatives pour offrir à ces élèves les clés d'une société complexe, où la crise économique précipite les mutations. Si son enthousiasme déstabilise quelque peu le conseil d'administration, la jeune femme emporte cependant l'agrément de la majorité des directeurs, séduits par ce vent de modernité qui semble l'accompagner.

Très vite, Sarah trouve ses marques dans cette petite ville marquée par la Grande Dépression, apprenant à rester fidèle à ses convictions tout en sachant parfois verser dans l'art du compromis, pour assurer la bonne gestion de son école. Elle se découvre des alliés, comme le progressiste Mr Joe Astell, mais aussi des adversaires que ses idées dérangent à l'image de Mr Carne, un conservateur aux conceptions sans doute révolues, mais dont Sarah va peu à peu se rapprocher. Elle va aussi s'investir auprès de ses élèves, prenant sous son aile une boursière très douée, Lydia, ou encore Midge, la fille de Mr Carne.

Avec un quotidien rythmé par les difficultés sociales et les oppositions politiques, c'est dans une chronique ordinaire d'une petite bourgade, typique mais très attachante, que South Riding nous plonge.

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L'attrait de la mini-série  tient tout d'abord au cadre qu'elle investit : celui d'une chronique profondément humaine, mais aussi sociale, d'une époque difficile. Elle offre un instantané vivant et bigarré d'une bourgade anglaise et des préoccupations et autres enjeux très concrets qui agitent ce petit microcosme. Cette reconstitution de l'ambiance des années 30 se révèle particulièrement réussie. South Riding propose en effet un portrait nuancé d'une vie locale marquée par la récession économique, sur fond de tensions irréductibles entre tradition et modernité, tandis que les séquelles de la Première Guerre Mondiale hantent encore les esprits et que se profile à l'horizon le spectre d'autres bouleversements à venir. Ces mises en scène résonnent de manière authentique et juste à l'écran, leur retenue et leur sobriété trouvant un écho particulier auprès du téléspectateur.

De manière générale, il émane de South Riding un charme simple qui séduit et retient l'attention, la reconstitution historique se complétant d'une dimension humaine qui ne laisse pas indifférent. Car la mini-série dispose d'une galerie de personnages qui savent se fondre parfaitement dans le récit, tout en y apportant un relief et une nuance qui permettent de s'y attacher. Si tous n'échappent pas aux stéréotypes, la dynamique d'ensemble fonctionne. On se laisse ainsi emporter par le dynamisme communicatif de Sarah, par ses ambitions pour son école comme par son investissement envers ses élèves. De même, à mesure que l'on apprend à connaître Mr Barnes, ses tourments personnels tempèrent l'a priori excessivement rigoriste qu'avait laissé sa première scène. Ces personnalités s'imposent donc de manière convaincante.

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Cependant, l'atout - et l'originalité - de South Riding va sans doute résider dans sa capacité à chroniquer, de manière vivante et finalement étonnamment prenante, un quotidien qui, présenté autrement, paraîtrait vraiment anecdotique. Optant pour un réalisme sobre qui transcende tout son récit, c'est ainsi sans misérabilisme que la mini-série aborde les conséquences de la crise économique. De même, les personnages suivent des destinées toutes aussi nuancées, marquées par les blessures du passé, les tergiversations et incertitudes du présent, mais aussi une fidélité à des principes qu'ils ne pourront jamais renier. Ce sont des instantanés de vies ordinaires, sans romanesque excessif, ni réalisation démesurée, que propose South Riding. Et si on peut peut-être reprocher à la mini-série de ne pas avoir pleinement exploité certains personnages qui auraient mérité des développements plus conséquents, ses choix narratifs demeurent cohérents.

Sa spécificité restera sans doute la tonalité douce-amère qui s'en dégage, une atmosphère où la volonté de poursuivre, toujours tournée vers l'avenir, se mêle aux regrets sur lesquels on ne peut tirer un trait. Cette chronique quelque peu désillusionnée s'offrira ainsi une conclusion à son image parfaite, même si elle cède à certaines facilités et à quelques raccourcis. La vie est faite de choix, mais aussi 'd'aléas inattendus plus ou moins douloureux ; s'il n'est pas possible de s'immuniser contre les erreurs ou les blessures que le temps apporte, ce sont aussi ces expériences qui nous façonnent. A chacun, ensuite, de prendre sa destinée en main.

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Sur la forme, South Riding témoigne d'un savoir-faire que la BBC n'a plus à prouver. C'est un beau period drama, esthétiquement soigné et doté d'une réalisation qui sied particulièrement à l'ambiance qui y règne. L'image est travaillée, les teintes y sont plutôt sombres, en écho à cet instantané d'une époque troublée, où l'espoir se dispute à une douce amertume. Pour accompagner la narration, la mini-série dispose également d'une bande-son composée de quelques morceaux de musique classique bien choisis, avec une mention toute particulière aux morceaux utilisés dans le dernier épisode, poignants et forts comme il le fallait.

Enfin, South Riding bénéficie d'un dernier atout majeur, et non des moindres : un casting cinq étoiles savoureux et extrêmement solide, qui achève d'installer et de donner toute leur dimension aux différents protagonistes, comme au récit lui-même. Anna Maxwell Martin (Bleak House), avec un dynamisme communicatif et beaucoup d'authenticité, incarne à merveille cette institutrice pleine d'entrain, dont la sacerdoce éducatif lui permet d'oublier une vie bouleversée trop tôt par la perte d'un fiancé durant la Première Guerre Mondiale. Pour lui donner la réplique, David Morrissey (State of Play, Meadowlands, Blackpool, Thorne) est parfait pour jouer ce conservateur tourmenté par une vie personnelle bien compliquée qu'est Mr Carne. A leurs côtés, on retrouve notamment le toujours excellent Peter Firth (Spooks), Douglas Henshall (Primeval, The Silence) et son accent écossais incontournable, Penelope Wilton (Downton Abbey), toute aussi impeccable, mais encore John Henshaw, Shaun Dooley, Jennifer Hennessy ou Janine Mellor

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Bilan : Chronique ordinaire d'une bourgade anglaise des années 30, South Riding a le parfum doux-amer de l'instantané d'une époque troublée, où la reconstitution historique des enjeux politiques et sociaux représentatifs de leurs temps se mêle à l'incertitude des destins personnels. C'est un portrait vivant et nuancé, à la fois plein d'émotions et d'espoirs, mais aussi chargé de désillusions douloureuses et poignantes, qui est proposé. Si le téléspectateur s'attache presque instantanément à l'ambiance qui y règne , c'est que la mini-série parvient à séduire autant par sa simplicité maîtrisée que par l'authenticité des portraits qu'elle met en scène. En résumé, South Riding offre un retour aux fondamentaux de la fiction rafraîchissant et plaisant à suivre.


NOTE : 8/10


La bande-annonce de la mini-série :

14/10/2010

(Pilote UK) Thorne : récital efficace de classiques policiers

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Si j'écris souvent que le genre policier rencontre plus difficilement mes faveurs téléphagiques actuellement, il est nécessaire de nuancer cette affirmation. Car la lectrice assidue de polars que je suis demeure profondément attachée à ces récits. Dans la mesure où elles se situent à l'opposé des simples formula show calibrés à l'excès ou de la prévisibilité désincarnée et déshumanisée d'un cop-show CBS-ien, des fictions comme Wallander, Prime Suspect ou encore Wire in the blood (La Fureur dans le sang) ont pu être ou constituent toujours des valeurs téléphagiques sûres que j'apprécie tout particulièrement.

Or, cette semaine, la télévision anglaise proposait de quoi rassasier mon amour du policier. Non seulement lundi marquait le retour de Whitechapel sur ITV, poursuivant son chemin à travers l'histoire criminelle britannique en étant confrontée, après un copycat de Jack l'Eventreur, à l'ombre des jumeaux Kray ; mais de plus, la veille, par un dimanche soir très chargé sur les chaînes britanniques (Downton Abbey s'étant installée à un niveau d'audience si confortable que ITV a déjà commandé une saison 2 - pour mon plus grand plaisir -, et BBC1 lançant une mini-série dramatique attendue, Single Father), c'est sur Sky One qu'une autre série débutait : Thorne.

Adaptée des romans policiers de l'écrivain Mark Billingham, les six épisodes commandés couvrent deux enquêtes - les deux premiers romans, Sleepyhead (publié en 2001) et Scarety Cat (2002) - d'un personnage récurrent chez cet auteur, le DI Tom Thorne, interprété par David Morrissey.

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Ce premier épisode de l'arc constitué par l'enquête relatée dans Sleepyhead se réapproprie efficacement tous les codes narratifs du policier, posant le cadre d'une chasse toujours aussi prisée à l'écran, celle du serial killer. Si l'histoire s'inscrit dans la droite ligne du genre, elle le fait cependant avec une réelle habileté, sans lourdeur, ni excès, sachant profiter de l'effet glaçant procuré par les crimes mis en scène que l'état de la seule survivante du tueur ne fait qu'accentuer. C'est le hasard d'une course-poursuite qui va placer les policiers face à des crimes jusqu'alors commis impunément sans que ne soit jamais identifiée la vraie cause du décès : les morts de plusieurs jeunes femmes ont ainsi trop rapidement été classées comme naturelles. L'autopsie minutieuse du cadavre d'une nouvelle victime, que découvrent Thorne et ses collègues au début du pilote, va leur révéler un mode opératoire d'exécution des plus glaçants.

Remontant le fil des morts classées au cours des derniers mois, ce sont plusieurs affaires similaires qui sont exhumées des archives policières. Et, surtout, c'est à l'hôpital que s'achève leur recensement de victimes potentielles, auprès d'une jeune femme qui semble être la seule survivante du rituel létal suivi par le serial killer, la laissant, de manière peut-être encore plus cruelle, entièrement paralysée mais consciente, comme prisonnière dans sa propre enveloppe charnelle, son corps ne lui répondant plus hormis pour les muscles lui permettant de battre des cils. Le DI Tom Thorne prend cette affaire particulièrement à coeur, ayant du mal à se détacher de cet être désormais inerte, mais toujours vivant, qui occupe une des chambres de l'hôpital. Tout en nous glissant dans le quotidien de l'unité policière enquêtant sur ces meurtres, l'épisode esquisse peu à peu les contours de son personnage principal, une figure avec ses zones d'ombre et encore beaucoup de non-dits à l'écran, qui fonctionne principalement à l'instinct et par impulsion.

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Classique dans ses ressorts scénaristiques et la distribution des rôles qu'il opère entre les protagonistes policiers, ce premier épisode installe un cadre globalement convaincant. L'épisode opte pour une approche encore superficielle du relationnel entre ses différents personnages, tout en parsemant sa narration de suffisamment de références glissées au détour des conservations, pour orienter le téléspectateur ou aiguiser sa curiosité. De manière générale, il n'y a pas de difficulté pour identifier la dynamique des plus familières qui joue au sein de l'unité de police : du rookie ambitieux qui souhaite s'imposer, jusqu'au fragile équilibre installé entre le policier instinctif, un peu déconnecté, qu'est Thorne, et son partenaire rationnel rejetant le ressenti hors de ses analyses et déductions, c'est donc une distribution sans réelle surprise, mais efficace, qui se dévoile.

Si, en elle-même, l'enquête ne présente pas d'originalité particulière dans son traitement, l'approche va prendre une tournure plus ambitieuse et recherchée en choisissant de s'arrêter sur le destin de la seule victime encore vivante. Témoin paradoxalement réduit au silence par son infirmité, plongée dans une confusion quant aux faits s'étant produits qui ne l'empêche pas de comprendre son état et sa situation désspérée, Thorne n'hésite pas à nous placer de son point de vue. La caméra emprunte ainsi les yeux de la jeune femme, tandis que certaines scènes nous glissent directement dans ses pensées, troublantes de cohérence. Ce procédé narratif consistant à proposer au téléspectateur de s'identifier ainsi à la victime constitue sans doute l'originalité la plus marquée de cette enquête policière. C'est une façon efficace de renforcer le caractère glaçant des meurtres et d'accentuer finalement ce léger malaise qui se forme face à l'affaire.

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Tout en installant de manière convaincante et plutôt prenante ce premier acte, Thorne prend également le temps de trouver peu à peu ses marques esthétiquement parlant. Un réel effort a en effet était fait de la part du réalisateur, Stephen Hopkins. Outre une utilisation un brin confuse de flashbacks qui laisse pour le moment le téléspectateur quelque peu dans l'expectative, Thorne bénéficie surtout d'une photographie aux couleurs assez éteintes qui semble servir de reflet à cette forme de pessimisme ambiant un peu oppressant qui règne sur tout l'épisode. Cela accentue, avec une certaine classe, l'impression de polar sombre d'une enquête dont les crimes glaçants ne peuvent laisser insensible le téléspectateur.

Enfin, atout non négligeable, Thorne rassemble un casting appréciable, même si le scénario du premier épisode ne permet pas encore pleinement d'en prendre la mesure. Je ne vous cache pas que David Morrissey (State of Play, Meadowlands, Blackpool) fait partie de cette poignée d'acteurs britanniques que j'apprécie tout particulièrement et dont j'aime suivre les parcours téléphagiques. A ses côtés, nous retrouvons Eddie Marson (Little Dorrit, Criminal Justice), Natasha McElhone (Californication), mais également Aidan Gillen (The Wire, Identity).

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Bilan : Polar aussi classique qu'efficace, c'est autant une enquête qu'une ambiance que ce premier épisode de Thorne s'attache à installer avec conviction et sobriété. S'il reste encore à explorer plus avant une dimension humaine peut-être trop négligée, le téléspectateur n'a cependant aucun mal à rentrer dans cette histoire, une enquête somme toute fort prenante, servie par une narration sans temps mort, dont l'intensité culmine au cours des dernières minutes de l'épisode. La tournure que prennent les évènements dans ce cliffhanger qui est presque un cas d'école, à défaut de vraiment inquiéter, devrait assurer la fidélité de téléspectateurs désormais bien accrochés au récit. 

Reste donc à Thorne à confirmer dans la durée, à travers les deux arcs qui vont rythmer ses six épisodes, le potentiel indéniable que ce premier volet laisse entrevoir.

  
NOTE : 6,75/10


La bande-annonce :

04/02/2010

(Mini-série UK) Blackpool : ovni musico-policier so british


Je progresse (lentement) dans mon visionnage de mes piles de DVD à découvrir. Au cours des derniers jours, j'ai fini une mini-série que je souhaitais voir depuis longtemps, Blackpool. Datant de 2004 (et comptant 6 épisodes), elle aiguisait ma curiosité tant en raison de son intrigant concept que pour son attrayant casting. C'est avec plaisir que je peux écrire que le résultat fut à la hauteur de mes espérances, cette fiction m'ayant offert quelques instants téléphagiques vraiment grisants.

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Ripley Holden (David Morrissey) est un entrepreneur à succès. Porté par sa folie des grandeurs, il rêve de transformer la ville balnéaire de Blackpool, dans le nord de l'Angleterre, en un Las Vegas britannique. Détenteur d'un casino, il a de grands projets pour l'étendre, notamment en lui adjoignant un grand hôtel. Mais, un jour, un cadavre est découvert dans son établissement. La victime, un jeune homme à la réputation loin d'être parfaite, allait prochainement se marrier. L'inspecteur Carlisle (David Tennant) est appelé en renfort à Blackpool pour enquêter sur cet homicide. Rapidement, il s'intéresse de très près aux Holden, soupçonnant instinctivement Ripley d'être lié à ce meurtre. Mais les choses vont se compliquer pour Carlisle quand il va commencer à interroger les autres membres de la famille.

A partir de cette base policière très classique, Blackpool va parfaitement exploiter un format réellement original, teinté de comédie musicale et développé dans une atmosphère décalée, qui va en surprendre plus d'un.

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En fait, face à Blackpool, le téléspectateur a un peu l'impression d'être tombé devant un étrange OVNI télévisuel : voilà un sentiment assez jubilatoire. Il s'agit d'une production dynamique qui ne se refuse rien en mêlant, avec une pointe de provocation et d'autodérision, les genres et les tons. Dotée d'une atmosphère clinquante pour le moins indéfinissable, où règnent les artifices, cette mini-série se complaît dans un superficiel accrocheur qui va finalement se révéler bien plus subtil et profond que la première impression pouvait le laisser penser. Elle est un hymne aux eszatz, aux "pseudos-genres", tant sur le fond que sur la forme. Son originalité ne réside pas dans les ingrédients utilisés - d'un classicisme parfois presque caricatural -, mais dans le coktail qu'elle ose réaliser en se les réappropriant pleinement. Initialement, tout semble n'être qu'apparence, brouillant les pistes pour échapper avec obstination à toute catégorisation. De ces nombreux excès - faux défauts, vraies maladresses, second degré volontaire... l'interprétation reste au choix du téléspectateur -, découle un univers digne d'une histoire de faussaire, comme dirait la chanson.

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Tout téléspectateur s'essayant à la classer dans un genre précis voit sa démarche vouée à l'échec. Serait-ce une une mini-série policière ? Certes. Mais l'enjeu de découvrir le meurtrier apparaît rapidement très secondaire, presque anecdotique. L'enquête devient alors avant tout prétexte à des confrontations personnelles et à des ajustements sentimentaux. Si bien que la fiction n'a bientôt de policière que la toile de fond, constante, mais que le téléspectateur laisse inconsciemment en retrait.

Serait-ce une comédie musicale ? Elle se dote à plusieurs reprises des accents les plus classiques, comme une forme d'hommage... mais la vraie chanson originale couvre toujours à moitié la voix des acteurs, donnant une étrange impression de faux play-back déroutante. Et pourtant, les scènes chantées demeurent un des atouts principaux de cette mini-série. Car ces moments frôlent à plusieurs reprises le génial, instants décalés carrément jubilatoires, qui vous donnent  une envie irrépressible d'applaudir devant votre petit écran. Le dynamisme est contagieux, le rythme prenant... Sans même s'en rendre compte, le téléspectateur se retrouve instantanément embarqué dans ces parenthèses loufoques et savoureuses auxquelles Blackpool doit tant.

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Pourtant, derrière tous ces faux-semblants et ce côté si brillant et voyant, Blackpool surprend par son évolution. En effet, au fil des épisodes, la mini-série acquiert une dimension plus humaine et l'écriture apparaît plus subtile, plus réfléchie. Elle révèle progressivement les ambivalences de personnages loin d'être unidimensionnels, cachées derrière des apparences stéréotypées. Les rapports entre les différents protagonistes bénéficient également d'un traitement plus soigné, qui sonne assez authentique, et les rend dans l'ensemble attachants. La mise en perspective la plus marquante est probablement celle de Ripley Holden, le propriétaire du casino, qui navigue initialement dans une zone très trouble, où ses colères et son arrogance déconcertent. D'ailleurs, le dénouement de la série surprend agréablement : loin d'être aussi convenu que l'enquête policière ne le laisserait paraître, il y flotte ce même parfum de folie douce qui règne sur l'ensemble de la fiction.

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Si, sur le fond, la mini-série se révèle surprenante et plaisante, le casting joue également pour beaucoup dans l'affectif que développe rapidement le téléspectateur pour Blackpool. Certes, je confesse être probablement un brin pré-conquise a priori, n'ayant jamais été insensible à aucun des acteurs principaux de cette production. Cependant, cela n'enlève rien à leurs mérites. En effet, il faut tout d'abord saluer et applaudir la performance grandiose de David Morrissey (State of Play, Meadowlands), tout simplement génial en homme d'affaires atteint de la folie des grandeurs, qui emporte tout sur son passage. Ecrasant de charisme, il donne une toute autre dimension à certaines scènes qui auraient pu rester anecdotiques. A ses côtés, David Tennant (Doctor Who) est fidèle à lui-même, moins excentrique que celui sur lequel il enquête ; mais j'avoue que le seul petit accent écossais qu'il conserve ici (ce qui est assez rare) suffit à me faire fondre. Sarah Parish (Mistresses) complète de façon convaincante ce trio. D'ailleurs, de manière générale, c'est le casting dans son ensemble, jusqu'aux seconds rôles comme Bryan Dick, qui s'avère très solide.

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Bilan : A partir d'un format très original, Blackpool nous conte une histoire très classique, dotée d'une intrigue policière sans surprise. Mais l'enjeu n'est pas là. Le téléspectateur se prend facilement au jeu très étrange de cet ersatz de comédie musicale, tout en s'attachant facilement aux personnages. Au fur et à mesure que la mini-série avance, il est très appréciable de constater que, contrairement à ce que l'on pouvait craindre au départ, elle ne s'enferme pas dans un côté unidimensionnel ; et, en ce sens, le personnage de David Morrissey m'a agréablement surprise par son évolution tout au long de la série. Ce n'est pas manichéen, c'est déjanté, et la surprise de clôture ne viendra pas de la chute apportée à l'enquête policière.


NOTE : 8,5/10


Pour un aperçu musical de ce qui fait de cette mini-série une incontournable, voici quelques chansons - de la plus soft à une des inoubliables chorégraphiées (avec David Tennant menant la danse - cf. la 3ème).

A savourer :

(Gambler, Johnny Cash)

 

(Don't stop me now, Queen)

 

(The boy with the thorn in his side, The Smiths)

30/10/2009

(Mini-série UK) State of Play : des jeux de pouvoir immuables

Ce soir, Arte rediffuse une des plus réussies mini-séries britanniques des années 2000 : State of Play (Jeux de pouvoir).

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J'ai beau connaître l'histoire sur le bout des doigts, finir par être capable de réciter certaines scènes par coeur et avoir presque rayé mes DVD à force de visionner en boucle certaines scènes, c'est toujours un plaisir de la regarder à nouveau. Cela reste toujours aussi facile de s'enthousiasmer devant son petit écran, de jubiler devant ces dialogues finement écrits qui sonnent justes, de se prendre au jeu de cette tension qui se construit peu à peu, de se piquer aux relations entre les protagonistes qui se font et se défont, de s'interroger sur la complexité des personnages, d'applaudir devant l'ultime retournement de situation avec l'estomac noué.

C'est un thriller médiatico-politique qui s'interroge sur cette zone d'ombre trouble où évoluent les initiés du pouvoir et sur les pratiques qui y ont cours ; on plonge dans les coulisses et les rouages amers d'une démocratie, des secrets de fabrication dont nous ne sommes normalement pas témoin. Une intrigue prenante et passionnante se déroule et captive rapidement. Si bien qu'une adaptation en film a même été faite cette année par les américains. Autant le dire tout de suite, je n'ai pas réussi à trouver l'envie d'aller y risquer un oeil. C'est difficile de se motiver pour voir rejouer une intrigue simplifiée (6 heures réduites au format d'un film) et américanisée (translation géographique, mais aussi des enjeux derrière la trame principale). Mais surtout, il y a un élément, plus brise-coeur, plus répulsif : le casting original a disparu. Et imaginer State of Play sans Bill Nighy, John Simm, David Morrissey, Polly Walker, James McAvoy... C'est juste blasphématoire.

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Il faut dire que State of Play et moi, cela se joue également sur un plan purement affectif. Mon premier visionnage, c'était au temps où je commençais juste à découvrir la télévision britannique. C'était au temps où je ne connaissais pas encore toutes les têtes familières du petit écran d'outre-Manche. Et ce fut juste le coup de foudre. Du genre à me conduire à aller fouiller la filmographie de tous ces acteurs, pour découvrir d'autres petits bijoux. Je garde encore les noms de John Simm (en dépit de Life on Mars) ou de David Morrissey (Blackpool, Meadowland, etc...) associés en priorité à cette mini-série. James McAvoy conservera toujours à mes yeux cette image de dandy irrésistible, en dépit de sa carrière cinématographique future. Dans mon esprit, seule Polly Walker a pu se détacher de l'image de l'épouse subissant les évènements pour devenir un symbole de Rome.

On a tous, vous comme moi, près de notre coeur de téléphage, quelques séries qui sont particulières. Ce serait trop réducteur de parler uniquement d'une question de qualité. C'est cela, certes, mais bien plus encore. Cela renvoie à l'impact que telle ou telle fiction a pu avoir sur nous lors du premier visionnage, à sa place dans notre expérience téléphagique globale. C'est purement subjectif. Souvent conjoncturel. Tellement personnel. Cela ne s'explique pas en termes rationnels. Je suis certaine que ce sentiment ne vous est pas non plus étranger. Toujours est-il que State of Play est, pour moi, une de ces fameuses séries. Une de ces éternelles et immuables qui occupent mon petit Panthéon personnel du petit écran.

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Si jamais State of Play vous est encore inconnu. Je n'ai qu'un seul conseil : Arte, ce soir, 22h10 (bon, en VF, cela me hérisse un peu car il manquera quand même la savoureuse multitude d'accents offerte par la mini-série ; mais ce sera un début!). Car même si ce billet n'est pas vraiment une critique, je peux bien attribuer une note à cette série, et ce sera sans hésitation, avec tout ma subjectivité :

NOTE : 9,5/10